Source : Le Journal de Montréal
Il y a eu un choc dans le monde de la télévision, hier en fin d'après-midi, avec l'annonce par la haute direction de TVA de l'enterrement de la série de Fabienne Larouche Un homme mort, qui n'aura pas droit à une deuxième saison. Les raisons budgétaires, plus que les cotes d'écoute moins fortes que prévues, auront décidé du sort de cette fiction.
Après l'annulation de Vice caché, le report de Nos étés et du Négociateur, c'est au tour de la série Un homme mort d'être mise au rancart.
La télévision au Québec est en train de vivre, lentement mais sûrement, la disparition des grandes séries de fiction.
La situation est inquiétante. Reviendra-t-on au retour des reprises de La Petite Maison dans la prairie les lundis soirs à 20 heures?
Un homme mort coûtait 850 000$ l'heure. Huit épisodes, donc, pour un total de 6,8 M$. Le diffuseur, lui, fournissait 250 000$ par épisode.
«Ce n'est pas une décision facile. C'est dur pour les comédiens et pour Fabienne Larouche, d'autant plus que la série était de grande qualité. Mais contrairement à la télévision publique, des réseaux comme TVA et TQS ne comptent que sur des revenus publicitaires, qui sont à la baisse. Les annonceurs transfèrent leurs publicités sur Internet; nous assistons à un éclatement des modèles télévisuels et ça nous frappe durement. Il faut réagir à ces nouvelles réalités télévisuelles», expliquait au Journal Philippe Lapointe, vice-président de TVA.
Il ajoute que la série, qui attirait une moyenne de 1 464 000 téléspectateurs après cinq épisodes, «n'était pas rentable» et que «l'auditoire était moins important que prévu».
Philippe Lapointe estime que l'avenir immédiat en télévision appartient aux séries semi-lourdes, qui coûtent de 400 000$ à 500 000$ la demi-heure. Mario Clément, patron de la programmation de Radio- Canada, a tenu récemment un discours similaire.
«Notre enveloppe au Fonds canadien de télévision sera répartie sur plusieurs épisodes de séries moins coûteuses», ajoute M. Lapointe.
Fabienne sans mot...
Le choc de l'annonce était si grand que l'auteure et productrice Fabienne Larouche, habituellement très loquace, s'est tue.
«Je ne fais aucun commentaire pour le moment», a-t-elle confié au Journal de Montréal en fin d'après-midi, hier.
Jamais en lançant sa série Un homme mort, en janvier dernier, aurait-elle cru que sa série n'aurait droit qu'à huit épisodes. Surtout après l'énorme succès de Fortier, l'autre série de Fabienne Larouche à TVA, qui avait été projetée sur au moins quatre ans.
TVA diffusera les trois derniers épisodes d'Un homme mort, qui prendra fin le 6 avril. Mais quelle fin ce sera? Le dernier épisode mettant la table pour l'an prochain, le téléspectateur risque de rester sur sa faim.
Depuis le début de la diffusion, la productrice et auteure se questionnait sur l'auditoire à la baisse et avait personnellement commandé un sondage pour mieux connaître ses téléspectateurs, majoritairement féminins a-t-on appris.
La première diffusion avait attiré une moyenne de 1 764 000 téléspectateurs et avait descendu à 1 320 000 fidèles jeudi dernier.
Hier, la direction de TVA n'a pas caché que les cotes d'écoute prévues pour la série étaient plus importantes que ce qu'elle connaît présentement.
Mais au Québec, l'ensemble des séries de fiction très coûteuses connaît des baisses d'écoute, ce qui force les diffuseurs à se questionner. Un homme mort restait tout de même la série la plus populaire, en plus de l'énorme succès qu'elle connaît sur le Web avec son jeu du même nom.
Lors du visionnement de la série, la réalisatrice Sophie Lorain déplorait les budgets de plus en plus restreints pour les séries québécoises. «Il faut toujours faire plus avec moins.» Le budget de la première série Fortier dépassait les 900 000$ par épisode.
Jamais elle croyait amener son Homme mort au cimetière après une seule saison!
Un homme mort est diffusé les jeudis 21 heures à TVA. la dernière sera présentée le 6 avril.
C'est la consternation dans l'équipe
Une onde de choc a traversé hier l'équipe d'Un homme mort, loin de s'attendre à ce que TVA abandonne la série après une seule saison.
«J'en reviens pas... Je suis sur le cul, admet Michel Barrette, qui partage la vedette de la série avec Karine Vanasse.
«Si on était au troisième sous-sol des cotes d'écoute, j'aurais compris. Mais là...»
Le comédien a appris la nouvelle en fin d'après-midi, par un coup de fil de l'auteure Fabienne Larouche.
«Elle m'a annoncé ça, mais je ne la croyais pas. Tellement, que je suis parti à rire. [...] Ça n'a pas de sens!», répète le comédien.
Atterrée, Karine Vanasse confiait «être tombée en bas de sa chaise» en apprenant la nouvelle.
«C'est assez étonnant qu'on retire la série qui marche le plus à un poste. J'espère que les gens vont se poser des questions», dit-elle en insistant sur la moyenne de 1,5 million de fidèles par épisode.
«Il me semble que ce n'est pas rien, lance-t-elle.
«C'est dommage pour l'équipe, mais ce l'est tout autant pour les téléspectateurs. Cette série-là n'était pas construite juste pour une année.»
Comme Vice cachéConsternés par la décision de TVA, les deux comédiens précisent avoir refusé des offres pour travailler au cinéma ou à la télé, convaincus qu'ils étaient d'être affairés tout l'été au tournage de la suite d'Un homme mort.
«C'est l'incompréhension totale», martèle Karine Vanasse
«Je capote! On était tellement fier de cette série-là, confie Michel Barrette. Récemment, c'était Vice caché, et là, c'est nous autres. [...] Il y a quelque chose que je ne comprends plus en télévision.»
Incompréhension
Tout aussi déçue que les comédiens, la réalisatrice Sophie Lorain avoue quant à elle ne pas avoir été surprise outre mesure par la décision de TVA.
«Je ne peux pas être surprise après avoir vu ce qui est arrivé à Vice caché, confie-t-elle.
«C'est la vie et la vie continue. Ça fait partie de notre métier. [...] Peut-être que les décideurs (de TVA) sont aux prises avec d'autres problèmes qu'on ne connaît pas.»
Surpris lui aussi par l'annonce de la fin de la série, le comédien Sébastien Delorme, qui campe Martin Belmont, a ouvertement partagé ses craintes quant à l'avenir des comédiens à la télévision.
«Qu'est-ce qui se passe? Est-ce qu'on va se retrouver qu'avec des variétés ou des séries américaines doublées?», lance-t-il.
«C'est pas bon pour nous autres... Il faut faire attention à ce qui s'en vient en télévision», prévient-il.