Source : La Presse (Hugo Dumas)
La minicontroverse sur le gala de l'ADISQ s'était éteinte d'elle-même après quelques jours. Pierre Karl Péladeau l'a cependant rallumée hier en affirmant que Radio-Canada aurait dû attendre la fin de Star Académie pour diffuser sa remise des prix Félix.
Dans une longue lettre adressée à Michel Rivard et publiée dans Le Devoir, le grand patron de Quebecor critique également plusieurs décisions de programmation de la SRC, dont l'abandon du Téléjournal à 18h, et se porte à la défense de son entreprise, une sorte de rempart contre l'envahissement de la culture américaine.
"N'aurait-il pas été plus normal que la télévision d'État accepte d'être bon prince et de déplacer la diffusion du gala de l'ADISQ à une autre soirée, puisqu'elle savait depuis longtemps qu'il y aurait, ce soirlà, un des 10 galas dominicaux de Star Académie? Il faut être réaliste, les coûts engendrés par le fait de sauter un dimanche dans l'enchaînement des galas de Star Académie auraient été exorbitants et impossibles à supporter pour une production de cette envergure", écrit Pierre Karl Péladeau.
Selon lui, la SRC a la responsabilité d'offrir la meilleure case horaire au gala de l'ADISQ et il aurait été "si simple" de le déplacer après le 13 novembre, date du couronnement de la nouvelle étoile de Star Académie. Quebecor Média a investi plus de 15 millions dans le projet Star Académie, "qui vise à célébrer notre musique pendant 10 semaines d'affilée", indique-t-il.
La SRC aurait pu déménager son gala, car elle ne se gêne pas pour bousculer sa grille, poursuit Pierre Karl Péladeau, en citant l'abandon des nouvelles à 18h, la disparition des Beaux Dimanches et le retrait de La Soirée du hockey. Toujours dans sa missive, le patron de Quebecor écorche la direction de Radio-Canada, qui utilise les "deniers publics pour acheter des séries américaines comme Desperate Housewives et Lost.
Du même souffle, il rappelle que sans Star Académie, "la jeunesse québécoise n'aurait peut-être jamais entendu parler de cette façon de géants comme Claude Léveillée, Jean-Pierre Ferland, Paul Piché, Robert Charlebois, Yvon Deschamps et Michel Rivard, trop occupée qu'elle est à écouter Eminem et les Black Eyed Peas".
À propos de l'industrie du disque au Québec, Pierre Karl Péladeau ajoute qu'il est " plausible de penser qu'en l'absence d'une structure corporative aussi solide que celle de Quebecor, les majors étrangères occuperaient considérablement plus d'espace dans l'univers culturel québécois ".
Étrangement, la sortie de Pierre Karl Péladeau n'a pas fouetté Radio-Canada, qui n'a rien commenté. À l'ADISQ, le ton était très calme hier. Le président, Yves-François Blanchet, note qu'il s'agit plus d'un conflit commercial entre la SRC et TVA qu'un débat sur l'industrie musicale. Selon lui, aucun des deux réseaux n'aurait dû céder sa place pour accommoder l'autre. Et le gala de l'ADISQ est installé depuis près de 25 ans à la fin octobre, début novembre, dit Yves François Blanchet.
TVA n'a rien rajouté hier et Michel Rivard, l'animateur du gala, n'a pas répliqué non plus. " Il ne se sent pas attaqué du tout. Il a trouvé que c'était une lettre très civilisée ", répond son attachée de presse, Stéphanie Fortin.
Le soir du dimanche 30 octobre, Star Académie et le gala de l'ADISQ, deux émissions populaires, ont été programmées directement l'une contre l'autre. En ouverture du gala, Michel Rivard a mentionné que Julie Snyder aurait pu donner congé à ses " ti-pitous " pour un soir, afin qu'il y ait une seule et vraie fête de la musique québécoise.
Et pourquoi Pierre Karl Péladeau a-t-il attendu aussi longtemps avant de réagir, alors que TVA l'a fait le lendemain? " On n'agit pas nécessairement avec le cycle de la nouvelle ", dit le porte-parole de Quebecor, Luc Lavoie. Selon lui, Pierre Karl Péladeau a lui-même rédigé la missive, à bord d'un avion. Il n'était pas au théâtre Saint-Denis quand Michel Rivard a parlé des " ti-pitous " de Julie Snyder. Il assistait au gala de Star Académie et il est arrivé à l'ADISQ juste à temps pour voir Marie-Élaine Thibert rafler le Félix de l'interprète de l'année.
Avec cette sortie publique, Pierre Karl Péladeau semble préparer le terrain pour la conférence qu'il prononcera demain midi devant des membres de l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision, à Montréal. Le sujet? Les contenus et le financement de la télévision au Québec.